👻 Booouh !
#09 - Pourquoi la prise de conscience écologique est-elle un exercice périlleux ?
Bonjour à tous ✨
J’espère que vous allez bien.
Je n’en reviens pas, nous sommes maintenant plus de 1300, merciiiii !
Dans cette 9ème édition, on va parler de prise de conscience écologique et en particulier d’un sujet avec lequel on l’associe régulièrement, et qui ne fait pas envie … il s’agit du deuil. On va commencer par revenir sur ce qu’est un deuil, sur le lien entre deuil et prise de conscience écologique et les limites de l’exercice.
C’est parti !
P.S. : Si vous découvrez L’écoptimiste aujourd’hui, je vous conseille de lire les épisodes dans l’ordre. Ce sera plus facile à lire et c’est comme cela que cette newsletter vous apportera le plus. Pour lire le premier épisode, c’est par ici.
Intro
Il y a quelques jours, j’ai écouté un épisode du podcast Sismique avec Frédéric Laloux : “Dépasser l’angoisse écologique”. Dans cet épisode Frédéric Laloux présente l’expérience “The Week” qu’il a conçu avec sa femme.
Il s’agit d’un outil qui permet de sensibiliser aux enjeux écologiques à travers des films et des discussions émotionnelles.
Il est conçu pour amener les personnes qui vivent l’expérience à suivre la courbe en U du deuil pour prendre conscience de la crise écologique et donner envie de passer à l’action.
On assimile souvent la prise de conscience écologique à un deuil de notre société actuelle. Mais cela me fait toujours autant froid dans le dos.
Le deuil, je l’associe spontanément à la tristesse. Alors autant dire que je n’ai pas spécialement envie de foncer quand on me propose de m’emmener dans cette voie.
Je pense que je ne dois pas être la seule. Alors je me suis dit que cela pourrait être une bonne idée de sujet à décortiquer :
Pour dépasser l’envie de fuir dès qu’on associe prise de conscience écologique et deuil,
Pour creuser au passage les avantages et les inconvénients de le faire.
1- Le deuil au microscope
Comme évoqué dans l’introduction, quand on parle de prise de conscience écologique, on parle souvent de faire un deuil de notre société, de notre vision du progrès de la réussite.
J’avoue que cela m’a toujours fait autant rêvé que les alertes catastrophistes. Même si c’est justifié, chez moi, c’est plutôt un frein.
Mais bon, pour celles et ceux qui comme moi ont une réaction de rejet face à ce mot, il est temps de prendre le taureau par les cornes pour dépasser nos sentiments.
Nous allons commencer par faire un temps d’arrêt sur le deuil, avant de parler du lien avec l’écologie.
Définition
Bon, je vous préviens, ce n’est pas la partie la plus drôle. Mais elle a le mérite d’expliquer pourquoi il est normal de ne pas avoir envie de se dire “Youpi ! Je fonce faire mon deuil de la société actuelle !”.
La définition courante du deuil est liée à la mort : “Douleur, affliction éprouvée à la suite du décès de quelqu'un, état de celui qui l'éprouve”.
Le deuil peut être aussi lié à la perte effective ou à venir d’une chose ou d’une situation à laquelle on est attaché. Cela peut-être apprendre qu’on a une maladie incurable, ou réaliser que nous n’aurons jamais ce dont nous avons rêvé.
En tout cas, l’origine du mot est super sympa 😬 ! Le mot deuil vient du latin dolium qui signifie “douleur”. Donc on est bien dans l’idée de quelque chose qui fait mal, aucun doute là-dessus.
Mais à part être une période où l’on va mal, qu’est-ce que veut dire “faire son deuil” ?
Les 5 étapes du deuil
La psychiatre Elisabeth Kübler-Ross, spécialisée dans l’accompagnement des personnes en fin de vie et des soins palliatifs, a conceptualisé un modèle de processus psychologique du deuil en 5 étapes.
Même si on parle d’étape, Elisabeth Kübler-Ross insiste pour rappeler que le modèle n’est pas forcément linéaire.
Les étapes peuvent se mélanger, on peut passer plusieurs étapes en même temps, et même faire des allers-retours entre elles. C’est un cheminement propre chacun et à chaque deuil.
Et les étapes ne seront pas tout à fait identiques s’il s’agit de la mort d’une personne ou de la perte effective ou à venir d’une chose ou d’une situation à laquelle on est attaché.
Petite remarque en passant, on retrouve ce concept, avec des étapes similaires quand on parle de résistance au changement.
On appelle aussi ces 5 étapes la courbe en “U”. Il y a d’abord une phase de décente avant de pouvoir remonter la pente.
Même si le deuil peut être quelque chose de très douloureux, c’est surtout une phase qui permet à notre corps et à notre esprit d’affronter une situation difficile.
C’est d’ailleurs ce qui va nous permettre de faire le lien entre deuil et crise écologique dans la partie qui va suivre.
2- Le deuil version crise écologique
Parallèle entre prise de conscience écologique et deuil
Une prise de conscience de la crise écologique, c’est le moment où on découvre que notre mode de vie est destructeur et qu’il va nous mener à notre perte si l’on n’y change rien.
C’est un peu comme l’annonce d’une maladie mortelle.
C’est aussi la perspective d’un changement brutal qui n’est pas vraiment voulu.
Pour ces 2 raisons, on peut faire un parallèle avec le deuil :
Le déni - Bon, cette première étape est assez parlante dans notre contexte. En France, 43 % des Français pensent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique (source).
La colère - On peut être en colère contre ceux qui ont laissé faire alors que des alertes sont lancées depuis plus de 40 ans. On peut être en colère contre ceux qui ne font rien ou continue à faire empirer la situation …
Le marchandage - On peut se demander si on aurait pu agir différemment, si la technologie pourrait nous sauver, …
La dépression - On peut se sentir seul, perdu, impuissant, face à l’ampleur de la crise. On peut avoir la sensation que tout est perdu.
L’acceptation - On réalise que notre mode de vie n’est pas soutenable et qu’il faut changer notre société en profondeur.
L’intérêt de faire ce parallèle, c’est de :
Comprendre ce que l’on ressent face à la crise écologique, et éventuellement aller chercher les ressources adaptées pour ne pas rester bloquer à une étape.
Accepter qu’on puisse avoir besoin de temps pour être capable d’affronter la situation et de s’y adapter.
Faire preuve de patience, de tolérance et d’empathie, envers les personnes qui ne sont pas encore arrivées au bout du processus.
Réaliser qu’aujourd’hui, il existe beaucoup de moyen pour nous choquer, nous parler de ce que l’on va perdre, mais souvent, on nous laisse en phase descendante et on ne nous aide pas à remonter la pente... d’où l’intérêt des concepts comme “The Week”.
The Week, une expérience basée sur la courbe du deuil
L’expérience The Week, dont je vous parlais en intro, permet de sensibiliser aux enjeux écologiques sous l’angle du dérèglement climatique en se basant sur la courbe du deuil.
Frédéric Laloux et Hélène Gérin se sont lancés dans le projet ”The Week” en ayant à leur actif de solides expériences. Hélène Gérin a écrit un livre sur le deuil périnatal avant de cocréer cette expérience.
C’est une expérience qui se déroule en 3 étapes à vivre en groupe (famille, amis, collègues,…) sur 1 semaine. Chaque étape correspond au visionnage d’un documentaire d’1 heure et de 30 minutes de conversation dirigée en groupe.
Le premier épisode parle de manière très directe de la réalité du dérèglement climatique. Le second épisode explique comment on a pu en arriver là. Le troisième montre qu’il est possible de dépasser la situation et d’aller vers un futur meilleur.
Avec du recul, je réalise que c’est en suivant cette trame (consciemment ou pas, je ne le sais pas) que Cyril Dion a écrit “Petit Manuel de résistance contemporaine“ (Domaine du possible - Actes sud 2018).
Et c’est justement le fait de commencer par les infos difficiles puis de m’emmener vers les solutions qui m’a permis de dépasser l’angoisse que m’inspirait la crise écologique pour me donner envie d’agir.
Ce n’est pas si simple de passer de la phase choc à la phase acceptation dans le contexte de la crise écologique. L’associer à un processus de deuil est une approche qui a de l’intérêt, mais aussi quelques limites à avoir en tête.
3 - Les limites de l’exercice
S’il y a un intérêt à faire un parallèle entre le deuil et la crise écologique, il y a aussi quelques différences à noter.
Ce n’est pas exactement la même chose de perdre un être proche que de réaliser que notre société est destructrice et qu’elle doit être transformée.
Dans le cas d’un deuil suite à un décès, ou à l’annonce d’une maladie grave :
C’est très concret pour la personne qui le vit. Il n’y a pas besoin de rapport du GIEC ni d’alertes scientifiques pour prendre conscience de la réalité de la situation.
Le processus de deuil s’enclenche spontanément en réaction à la perte.
On va ressentir une tristesse énorme et un manque qui vont durer.
On va éprouver le besoin de continuer à faire vivre nos souvenirs.
En général, notre entourage fait preuve d’empathie et on est soutenu.
La situation est irrémédiable.
Dans le cas d’une prise de conscience écologique :
C’est abstrait, lointain et complexe. Non seulement, il faut vouloir engager ce processus de deuil de notre société et il ne se déroule pas spontanément une fois la phase de choc passée.
Beaucoup de personnes restent bloquées dans le déni.
On est noyés par des informations contradictoires qui rendent difficile la prise de conscience.On ressent de l’anxiété, plutôt que de la tristesse et du manque. On parle d’ailleurs d’une émotion spécifique : l’éco-anxiété.
On est moins susceptible d’être soutenu par notre entourage pendant cette étape, c’est même plutôt le contraire. Bien trop souvent, c’est la personne qui prend conscience de la crise écologique qui doit convaincre son entourage.
La phase de prise de conscience écologique se traduit souvent par un sentiment de rejet de la société actuelle.
On réalise que le monde dans lequel nous vivons est loin d’être idéal et que la crise écologique est une opportunité de construire une société plus juste et plus enthousiasmante.
Ce n’est généralement pas le cas quand un proche meurt. On se dit rarement “Chouette, c’est une opportunité pour vivre mieux”.Contrairement à la mort ou à l’annonce d’une maladie incurable, nous avons la capacité de solutionner la crise écologique et de construire une nouvelle société.
Faire le deuil de notre société actuelle, n’est qu’une petite partie du chemin. Nous vivons dans une société qui fait tout pour nous garder sous emprise.
Quand on a une addiction aux jeux, il ne suffit pas d’en être conscient et de réaliser que c’est destructeur. Là, il s’agit de se sevrer dans un casino qui nous donne des jetons gratuits et fait tout pour nous donner envie de continuer à jouer.
Bref, faire un parallèle entre prise de conscience écologique et deuil demande quelques précautions d’usages.
Le mot “deuil” reste lourd de sens dans notre langue, même si on l’utilise de manière de plus en plus courante pour parler de la prise de conscience d’une nécessité de changer ou d’accepter que les choses ne se dérouleront pas comme on le souhaite.
Dans le cas d’un deuil suite à un décès, on fait son deuil de manière spontanée. Quand il s’agit de faire le deuil de notre société, le choc initial ne suffit pas. Il est nécessaire d’être accompagné d’une manière ou d’une autre, notamment pour transformer le choc en envie d’agir pour une société meilleure.
De plus, après la prise de conscience écologique, une cure de désintoxe à la surconsommation est nécessaire pour ne pas stagner dans l’éco-anxiété ou avoir envie de faire l’autruche face à l’ampleur de la crise.
La bonne nouvelle, c'est que contrairement au deuil de la mort d'un proche, le deuil de la société de consommation ne laisse pas une tristesse durable, mais l'espoir et l'envie de contribuer à une société plus juste et plus enthousiasmante.
Une fois passé ce cap, on n'a plus envie de revenir en arrière !
Mes ressources pour faciliter la prise de conscience écologique
Il ne suffit pas de donner des informations qui montrent l’ampleur des dégâts pour déclencher une prise de conscience écologique.
C’est notamment particulièrement important de montrer qu’il s’agit de prendre conscience que nous avons une opportunité de construire une société plus juste et plus enthousiasmante et de nous réapproprier le droit de le faire.
Voici quelques propositions de ressources à conseiller pour accompagner une prise de conscience écologique
L’expérience “The Week” : https://www.theweek.ooo/ -
C’est gratuit pour les particuliers, avec possibilité de faire un don pour soutenir l’action.
C’est payant pour les entreprises (10 à 20€) par participants pour soutenir l’action.La série documentaire de Cyril Dion : “Un monde nouveau” en 3 épisodes
Le livre “Petit Manuel de Résistance Contemporaine“ de Cyril Dion - Domaine du possible - Actes Sud (2018)
Le livre “Insoutenable Paradis” de Grégory Pouy - Dunod (2020)
Le livre “Une autre fin du monde est possible” de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle - Seuil 2018
Fin de l’épisode du jour :)
Avant de partir, j’ai 2 services à vous demander :
Vous pouvez liker l’épisode s’il vous a plu, et même soyons fous, le commenter ;) si vous voulez partager votre point de vue. Moi, j’aimerais bien le connaître :)
Si vous avez trouvé cet épisode utile ou instructif, n’hésitez pas à la partager. Cela m’aide beaucoup à faire grandir L’écoptimiste.
Bonne journée et à jeudi prochain :)
Florence
Bonjour. Je pense etre à l'étape 3 du deuil: le marchandage. Difficile de se dire que cette vie rêvée depuis l'enfance n'était qu'un leurre. Je fais de gros efforts écologique avec mes achats, le plastique, al voiture, etc mais quand je vois que le streaming est pratiquement la plus grande source de pollution, je suis encore plus déprimé!
Je suis convaincue que l'on a plus à gagner qu'à perdre ;)