Bonjour tout le monde 🌈
Comment allez-vous ? Nous sommes maintenant plus de 700, c’est fou !
Dans cette 3ème édition, nous allons parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur : enlever nos lunettes carbone centrées pour comprendre le problème de fond de la crise écologique que nous traversons.
PS : Si vous rejoignez l’aventure avec cet épisode, je vous conseille de revenir un peu en arrière pour lire les épisodes dans l’ordre. Ce sera plus facile à lire et c’est comme cela que cette newsletter vous apportera le plus. Pour lire le premier épisode qui explique les raisons pour lesquelles on ne veut plus entendre parler d’écologie, c’est par ici.
Allez, on se lance ?
Intro
Ah le changement climatique ! On commence à en entendre parler de plus en plus souvent :
➡️ Il y a maintenant des bulletins météo télévisés qui expliquent les changements climatiques.
➡️ Les outils pour effectuer des bilans carbone personnel se multiplient.
➡️ On en parle de plus en plus dans les médias.
C’est une bonne chose que ce sujet soit mis en lumière bien sûr, car la menace que cela représente est gigantesque.
Mais l’augmentation exponentielle de la concentration des gaz à effet de serre, n’est pas le fond du problème.
Quel est-il ce problème alors ? Pourquoi est-ce important d’en avoir conscience ? Quels sont les moyens à notre disposition pour nous aider ? Ce sont les sujets que nous allons aborder dans cette 3ème édition.
1- Comprendre le vrai problème
Le changement climatique n’est pas le cœur du problème de la crise écologique. Et non, nous ne sommes pas encore au fond du trou ! Il faut creuser encore un peu.
Et si le changement climatique n’était qu’un symptôme ?
Pour bien le comprendre, on va passer par une analogie empruntée à Arthur Keller, consultant, enseignant et écrivain sur les risques systémiques et les stratégies de résilience.
Retournons dans le monde médical pour parler du cas de la patiente Gaïa.
Gaïa a pris rendez-vous chez le médecin, car elle a des irritations cutanées, de forts maux de tête et des brûlures d’estomac.
Le médecin considère que chacun de ces maux est un problème isolé, en conséquence, il prescrit à Gaïa :
Une crème apaisante pour la peau
Du paracétamol pour les maux de têtes
Un antiacide pour l’estomac
Quelques mois plus tard, le médecin découvre dans la rubrique nécrologique du journal local, que Gaïa est décédée.
Il apprend par la suite que sa mort a été causée par un cancer généralisé. Les maux dont elle se plaignait en étaient les symptômes.
Le changement écologique, c’est un peu comme le mal de tête de Gaïa. C’est un des symptômes de la crise écologique, tout comme l’érosion de la biodiversité, l’acidification de l’océan, la pollution des sols, de l’eau ...
Le problème de fond, c’est : notre mode de vie, notre vision du progrès, de la réussite. C’est la croissance infinie dans un monde fini. C’est le fait de croire que nous pouvons nous affranchir de contribuer à l’habitabilité de notre écosystème et nous en servir comme d’un supermarché gratuit.
C’est ce qui provoque le dérèglement du climat, le blanchiment des coraux, les continents de plastique, la disparition de plus en plus d’espèces vivantes, …Et tous ces symptômes interagissent les uns avec les autres.
Par exemple : La banquise protège l’eau de mer qui se trouve sous elle, des rayonnements solaires. Avec le dérèglement climatique, la banquise fond. L’eau de mer est moins protégée du rayonnement solaire, elle se réchauffe. Ce phénomène accélère la fonte de la banquise restante.
Mettre en perspective le changement climatique par rapport à la crise écologique, c’est important pour comprendre ce qu’il se passe, mais c’est surtout important pour savoir comment agir.
2- Distinguer le problème de fond des symptômes
On ne soigne pas un cancer avec du paracétamol
Si on soigne Gaïa en se préoccupant uniquement de faire disparaître ses symptômes alors qu’elle a un cancer, ce n’est pas comme cela qu’on va pouvoir la soigner.
Il faut trouver un traitement qui soigne son cancer, tout en agissant sur ses symptômes, sans en aggraver un ou en générer d’autres (ceux qui ont déjà pris des anti-inflammatoires savent de quoi je parle !)
Avec la crise écologique, c’est pareil. Il ne suffit pas de découper le problème en petits morceaux indépendants les uns des autres en espérant que la somme des petites solutions résolvent le gros problème de départ.
Il ne suffit pas d’additionner des solutions spécifiques et isolées pour le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’acidification de l’océan, la pollution des sols ….
Pourquoi ? Car nous vivons dans un écosystème vivant dont l’équilibre s’est constitué en quelque 3.4 milliards d’années, rien que ça !
Et nous, charmants êtres humains, nous avons semé le chaos dans ce bel équilibre en largement moins de temps que la durée de vie des dinosaures (comme le montre si bien le calendrier cosmique de Carl Sagan).
Dès qu’on dérègle quelque chose dans notre écosystème, les conséquences sont rarement isolées. Rétablir l’équilibre ne se fait pas en un claquement de doigts.
Si on ne tient pas compte de cette information, on peut avoir de mauvaises surprises, c’est ce qui s’est passé avec la couche d’ozone.
Que se passe-t-il quand on traite un symptôme sans tenir compte du reste ?
C’est ce que nous raconte l’histoire de la reconstitution de la couche d’ozone.
En 1985, le traité de Montréal a été signé dans l’objectif d’éliminer les substances responsables de la destruction de la couche d’ozone. Dans cette liste de substances, on trouve le CFC, un gaz réfrigérant largement utilisé par l’industrie du froid de l’époque.
Pour le remplacer, on a choisi notamment le HFC, car il ne présente pas de risque pour la couche d’ozone.
Quelques années plus tard, les scientifiques ont relevé une augmentation significative du réchauffement de l’atmosphère qui ne correspondait pas à leurs prédictions.
Le fauteur de troubles a été identifié : il s’agissait du HFC dont le pouvoir de réchauffement global n’avait pas été pris en compte dans le choix du remplacement du CFC.
Bref, pour reconstituer la couche d’ozone, on a aggravé le réchauffement de l’atmosphère. Depuis le protocole de Montréal a été amendé, mais il a fallu attendre 2016 pour que ce soit le cas.
C’est important de comprendre le problème de fond de la crise écologique pour pouvoir y trouver des solutions sans aggraver la situation.
Différentes modélisations permettent de rappeler qu’il n’y a pas que le changement climatique dans la vie. C’est ce dont nous allons parler dans la prochaine partie.
3 - Comprendre la crise écologique avec 2 modélisations
Les frontières planétaires
Alors dans ce qui va suivre, on ne va pas mourir de rire et c’est rien de le dire comme dirait Mickey 3D.
Des scientifiques du Stockholm Resilience Center ont établi la modélisation des 9 frontières planétaires pour mesurer les risques que les activités humaines font peser sur notre écosystème.
Leur objectif ? Répondre à la question suivante « jusqu’à quelles limites le système Terre pourra absorber les pressions anthropiques sans compromettre les conditions de vie de l’espèce humaine ? ».
Ces 9 frontières ont été retenues, car elles représentent 9 processus environnementaux sous haute surveillance :
3 d’entre elles sont des risques de dysfonctionnement planétaire : Le changement climatique, l’acidification des océans et l’érosion de la couche d’ozone
6 d’entre elles ont des impacts plus limités, mais elles peuvent se cumuler ou interagir avec les 3 précédentes et ainsi devenir des risques planétaires : La perturbation des cycles biogéochimiques, le changement d’usage des sols, l’intégrité de la biosphère, le cycle de l’eau douce, les nouvelles pollutions chimiques et la concentration chimique en aérosols
Cette modélisation intègre les interactions des frontières entre elles. Pour comprendre comment elles fonctionnent l’analogie que je préfère est celle du Youtubeur “Chez Anatole”.
Il présente chaque processus comme un ressort. Si vous avez déjà joué avec un ressort, vous savez que si l’on tire trop fort dessus, il ne peut plus revenir à son état initial.
Nos activités humaines sont les mains qui tirent sur ces ressorts. Et la valeur de la frontière représente l’état à partir duquel le ressort risque de ne pas pouvoir revenir à son état initial.
La modélisation a été évaluée pour la première fois en 2009. Elle fait toujours l’objet de recherche et de critique aussi. Mais elle a le mérite de bien montrer que le changement climatique n’est pas notre seul problème.
Cette modélisation est purement environnementale. Et on reproche souvent à l’écologie d’être du jardinage sans justice sociale. C’est pour cela que nous allons maintenant nous intéresser à la théorie du donut.
La théorie du donut
La théorie du donut a été élaborée par l’économiste Kate Raworth. Il s’agit d’une théorie économique conçue pour assurer une vie humaine juste tout en étant compatible avec notre écosystème et dont la modélisation fait penser à un donut.
Si vous regardez le plafond environnemental, vous retrouverez les 9 frontières planétaires dont nous avons parlé précédemment. C’est ce qui constitue l’extérieur du donut.
Le cercle intérieur du donut matérialise le plancher social en dessous duquel il ne faut pas aller pour offrir des conditions de vie juste, inclusive et durable pour l’humanité.
Tout comme les frontières planétaires, ce modèle est régulièrement évalué.
Ce qui est intéressant, c’est de constater que dans un pays comme le nôtre, beaucoup de frontières planétaires sont dépassées, et quelques plancher sociaux. Alors que dans un pays comme le Mozambique, la tendance est inversée. Ce sont les planchers sociaux qui sont fortement dépassés.
Cette modélisation rappelle non seulement que le changement climatique n’est pas notre seule préoccupation, mais aussi que la notion de justice sociale est indispensable pour construire une société plus juste.
Avoir une vision claire des causes profondes de la crise écologique que nous traversons est indispensable pour plusieurs raisons :
Pour trouver des solutions appropriées pour y répondre.
Pour nous rappeler que nous faisons partie intégrante d’un écosystème vivant, auquel nous devons contribuer, comme n’importe quel autre vivant.
Pour prendre conscience que les changements que nous mettons en œuvre, petits et grands, sont souvent des compromis dont il est difficile d’évaluer l’intégralité des impacts. Il faut donc agir avec précaution et se méfier des solutions magiques.
Et compte tenu du degré d’urgence et de la complexité des problèmes que nous avons générés, il est indispensable de changer notre comportement, d’agir pour diminuer les effets des symptômes de la crise tout en nous préparant à nous adapter à leurs conséquences.
Mes idées pour enlever les lunettes carbone centrées
Prendre conscience des risques que représente le changement climatique, sensibiliser sur le sujet, passer à l’action, c’est très important. Mais considérer que l’excès de gaz à effet de serre dans notre atmosphère est notre unique sujet de préoccupation, c’est dangereux.
Pour agir et trouver des solutions appropriées, il est essentiel de comprendre que la crise écologique est une remise en cause de notre société, de notre mode de vie, de notre vision du progrès et du développement. Mais on fait quoi avec ça ? Voici quelques pistes d’actions, côté pro 💻 et côté perso 🏡 :
🤔 Le problème : On a tendance à assimiler la crise écologique au changement climatique. On peut avoir l’impression que toute la solution est liée à la réduction des gaz à effet de serre.
🤯 Résultat : On ne se rend pas compte de la complexité de la situation. Cela peut être démotivant de découvrir que ce qu’on pensait faire bien, à des impacts négatifs ailleurs. On peut mettre en œuvre des solutions qui risquent d’aggraver la situation.
💻 Pistes d’actions côté pro 💻
Pour faire comprendre un message, les fresques sont de supers outils. Dans notre cas, la Fresque des frontières planétaires est idéale. Elle est très complète et permet d’aborder la crise environnementale dans son ensemble.
Fresque toujours, il y a aussi la Fresque Systémique. Celle-ci permet de comprendre ce qu’est un écosystème, en quoi cette vision est indispensable pour comprendre les problèmes complexes. Elle aborde la crise écologique sous ses aspects sociaux et environnementaux.
Il y a aussi les Ateliers 2 Tonnes. Ils ont fait évoluer les contenus de leur atelier l’année dernière pour y intégrer une vision systémique de la crise écologique.
🏡 Pistes d’actions côté perso 🏡
Les fresques et les ateliers cité précédemment sont accessibles à tous. Et pour compléter voici quelques ressources plutôt bien vulgarisées à partager :
On en a parlé dans cet épisode, pour comprendre les frontières planétaires, la vidéo de Chez Anatole est très bien faite.
Vidéo toujours, mais cette fois-ci sur la théorie du donut par Action Climat
Et une petite fresque supplémentaire, peut-être un peu plus concrète que celles citées plus haut : la Fresque de la renaissance écologique. Elle explore 24 chantiers qui sont des fonctions essentielles à toute civilisation humaine. L’objectif est d’imaginer un monde souhaitable, soutenable et durable.
Si vous avez d’autres pistes d’actions, n’hésitez pas à les partager en commentaires.
Et voilà, il est temps de se dire au revoir. Je vous donne rendez-vous jeudi prochain pour un nouvel épisode. Bonne journée :)
Florence
Pour approfondir le sujet
Coté podcast, je vous propose :
🎙️ Vlan ! de Grégory Pouy et l’épisode d’Arthur Keller
🎙️ Le podcast Sismique de Julien Devaureix
Côté livre, j’en ai 2 en tête :
📘 “Une autre fin du monde est possible” de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle - Edition SEUIL (2018)
📘 “Le monde change et on y comprend rien” de Julien Devaureix - Edition First (2023)
🎬 Et pour terminer, je vous suggère l’interview Blast d’Edouard Morena, “Fin du monde et petits fours” qui fait réfléchir sur la mise en avant du changement climatique.
Bonjour,
Merci beaucoup pour cette newsletter ! Le sujet est très intéressant. Je ne connaissais pas ce concept et j'adhère totalement. Merci aussi pour ses ressources. Je vais en prendre connaissance et enrichir mon savoir et mes réflexions pour mon propre projet.
Merci encore !
Oui c'est un peu le problème quand quand on ramène tout à l'empreinte carbone et aux kg de CO2 émis. Il ne suffira pas de décarboner l'économie pour régler le problème comme semblent le penser certains ingénieurs.