🥬 Savez-vous planter des choux ?
#07 - Pourquoi la permaculture, ce n'est pas qu'un truc de jardinier ?
Bonjour à tous 🐞
J’espère que vous allez bien. L’aventure grandit, nous sommes maintenant plus de 1.200 youpi !
Dans cette 7ème édition, nous allons parler de permaculture. Et même si le printemps est un moment propice pour s’occuper de son potager, nous allons plutôt parler de transposition de la permaculture en dehors des champs.
À vos grelinettes, partez !
P.S. : Si vous venez pour la première fois aujourd’hui, je vous conseille de lire les épisodes dans l’ordre. Ce sera plus facile à lire et c’est comme cela que cette newsletter vous apportera le plus. Pour lire le premier épisode, c’est par ici.
Intro
Quand on parle transition écologique, on parle beaucoup de pensée systémique, c’est-à-dire de la capacité de réfléchir prenant conscience que nous faisons partie d’un écosystème vivant complexe.
Et si on peut comprendre cette définition, la mettre en pratique est une autre paire de manches !
En-tout-cas, pour moi, ça a été le cas. Et puis, j’ai découvert il y a 5 ans, une manière très concrète de l’appréhender, au travers de la permaculture.
Alors oui, au départ, il s’agit bien d’une approche de la culture de la terre, mais c’est surtout une philosophie et mise en application de la pensée systémique sur le terrain.
Même si vous n’avez pas une âme de jardinier, la permaculture est un sujet à explorer.
Et qui sait, cela vous donnera peut-être envie de vous mettre à jardiner !
On va commencer par parler des débuts de la permaculture, de ses grands principes et on terminera par un exemple pratique de mise en application : la permaentreprise.
1- Il était une fois la permaculture
Avant de rentrer dans le vif du sujet, commençons par une petite question :
Pour la petite histoire, le mot permaculture a été inventé à partir de l’expression “permanent agriculture”. Cette expression a été utilisée par l’un des fondateurs de l’agriculture biologique, Cyril G. Hopkins en 1910.
Tout a commencé en Australie
C’est dans les années 70 que 2 australiens théorisent la permaculture : Bill Mollison, un biologiste et David Holmgren, son élève en design environnemental.
Ils conçoivent ensemble un système appelé permaculture. Pour cela, ils se sont inspirés, entre autres, de Masanobu Fukuoka, créateur de l’agriculture sauvage, sans travail du sol, engrais ou pesticide.
Le premier ouvrage sur le sujet de B. Mollison et D. Holmgren a été publié en 1978. Il s’agit de “Permaculture 1”. Il présente le résultat de leurs travaux : “un système intégré et évolutif d’espèces végétales et animales pérennes, ou s’auto-pérennisant, utiles à l’homme”.
C’est aussi en 1978 que B. Mollison crée une communauté sur un terrain de 28 hectares, parvenu à l’autosuffisance. Un an plus tard, le premier institut de formation à la permaculture est créé et le mouvement commence à prendre de l’ampleur.
Arrivée en France
En France, les pionniers se trouvent en Normandie 🍎 : il s’agit de la ferme du Bec Hellouin. Elle a été créée en 2006 par Perrine et Charles HERVE-GRUYER.
À l’origine, Perrine et Charles ont voulu transformer un potager familial en projet d’autonomie alimentaire ainsi qu’en projet professionnel, pour vivre du maraîchage toute l’année.
L’agriculture et le maraîchage n’étant pas leurs métiers d’origine, ils ont traversé des périodes difficiles. Et c’est la permaculture qui leur a permis d’accomplir leur projet et de faire de leur ferme un modèle en France.
En plus de leur activité agricole, Perrine et Charles ont participé à un programme de recherche avec l’INRA et AgroParisTech. Les recherches ont permis de confirmer l’efficacité de ce type de maraîchage, sur une petite surface.
La ferme du Bec Hellouin est également un centre de formation : plus de 5 000 stagiaires ont été accueillis en 15 ans.
Le mouvement se déploie, il existe aujourd’hui de plus en plus de lieux et d’associations, qui suivent les principes de la permaculture.
Allez, fin de l’histoire, il est temps de rentrer un peu plus dans le détail et de sortir la tête du potager.
2- La permaculture dans les grandes lignes
“La permaculture, ce n’est pas seulement une autre façon de jardiner : c’est une autre façon de concevoir et d’agir sur le monde, un changement philosophique et matériel global, en même temps qu’un ensemble de stratégies de résilience face aux métamorphoses, sinon aux effondrements qui s’annoncent.” Yves Cochet
Le socle de la permaculture
Plus qu’une simple méthode de culture, il s’agit d’une philosophie de vie. Ainsi, la permaculture se base sur 3 éthiques qui ont pour objectif de préserver la vie :
Prendre soin de la Terre : la Terre représente ici toutes les formes de vie, le sol, les paysages, les territoires, les habitations,…
Prendre soin de l’Humain : l’Humain, c’est notre santé, notre qualité de vie, celle de nos proches, des nos voisins, de nos collègues… mais aussi des générations futures.
Trouver sa juste part : il s’agit ici de faire preuve de sobriété, limiter sa consommation à ses besoins et redistribuer les surplus.
C’est une invitation à laisser derrière nous la société de consommation pour une société plus juste et plus durable.
Pour aider au passage à l’action, la permaculture se décline en 12 principes : des outils pour transformer la société de manière créative, pour se connecter et contribuer à notre écosystème vivant.
Les principes de la permaculture
David Holmgren a repris il y a quelques années les 12 principes de la permaculture pour les réorganiser dans une vision systémique, c’est cette version que je vous propose.
Les 6 premiers principes décrivent l’auto-organisation et l’évolution qui s’effectue à l’intérieur du système :
1️⃣ Observer et interagir
2️⃣ Collecter et stocker l’énergie
3️⃣ Créer une production
4️⃣ Appliquer l’auto-régulation et accepter la rétroaction
5️⃣ Utiliser et valoriser les ressources renouvelables
6️⃣ Ne pas produire de déchets
Les 6 derniers principes décrivent les motifs qui ressortent de l’auto-organisation et de l’évolution intérieure du système :
1️⃣ Partir des structures d’ensemble pour arriver au détail
2️⃣ Intégrer plutôt que séparer
3️⃣ Utiliser les solutions à petite échelle et avec patience
4️⃣ Utiliser et valoriser la diversité
5️⃣ Utiliser les interfaces et les éléments en bordure
6️⃣ Utiliser le changement et y réagir de manière créative
Ces principes montrent que la permaculture est pensée pour travailler avec le vivant.
La permaculture ne s’intéresse pas aux éléments de manière isolée. Elle valorise plutôt la qualité et le nombre des interactions pour qualifier la beauté et la solidité d’un système.
C’est une approche particulièrement positive. Il s’agit de réfléchir à toutes les manières de coopérer en se concentrant sur le meilleur de ce que chacun peut apporter dans la relation, pour en retirer le plus de bénéfices possibles.
Ce concept en a inspiré d’autres, comme par exemple celui de la permaentreprise. C’est l’objet de la dernière partie.
3 - Exemple d’application : la permaentreprise
“L'entreprise peut être contributrice de l'intérêt général et le faire avec ses qualités, ses forces, ses recherches d'efficacité.”
Thomas Breuzard pour Papapillon
La permaentreprise est un concept créé par Sylvain Breuzard, PDG de Norsys et dirigé par son fils, Thomas Breuzard. Ce concept a fait l’objet d’un livre publié en 2021 pour le rendre accessible à un maximum d’entreprises.
La permaentreprise reprend les 3 éthiques et les 12 principes de la permaculture pour les appliquer au monde de l’entreprise :
“Prendre soin de la terre” pour une entreprise, c’est développer une activité en tenant compte de la nécessité de lutter contre le dérèglement climatique, de préserver la vie aquatique et terrestre.
“Prendre soin de l’Humain” pour une entreprise, c’est prendre soin de ses employés, de ses parties prenantes et c’est aussi agir pour le bien commun.
“Trouver sa juste part” pour une entreprise, c’est dire stop à la croissance infinie et au profit à tout prix. Il s’agit de savoir se fixer des limites pour respecter les 2 premières éthiques, réduire sa consommation au nécessaire et utiliser au mieux ses ressources.
Une permaentreprise est une entreprise qui :
✔️ a une mission sociale, environnementale et responsable
✔️ sait utiliser ses ressources avec justesse et sobriété.
✔️ voit le potentiel positif des interactions possibles avec ses parties prenantes pour les solliciter au mieux.
✔️ se fixe des objectifs environnementaux et sociaux ambitieux.
Pour chaque éthique, le modèle de la permaentreprise décline des objectifs d’impacts incontournables et des seuils à atteindre pour évaluer la force du modèle mis en place. Par exemple :
“Prendre soin de la terre” - les objectifs concernent : les paysages (émissions de GES), les matières premières (achats locaux et engagés, économie circulaire) et l'énergie (utilisation d’énergies renouvelables)
“Prendre soin de l’Humain” - les objectifs concernent : les ressources humaines (l’employabilité des salariés et leur santé physique et mentale,…), et la gouvernance (fonctionnement non top-down et représentation des salariés dans l’entreprise)
“Trouver sa juste part” - les objectifs concernent : les innovations (produit et service, au service des humains et de la planète), et l’argent (répartition de l’argent pour les salariés, la société civile, les placements,…)
La permaculture, c’est une proposition de mise en application concrète de la pensée systémique. Elle peut se décliner dans la vie quotidienne comme a plus grande échelle.
Pour le monde de l’entreprise, c’est un excellent guide pour se structurer dans l’objectif de devenir une entreprise à mission, et qui sait si ce ne sera pas le premier pas du chemin pour devenir une permaentreprise.
Mes idées pour se mettre à la permaculture
Le plus simple pour comprendre la permaculture, c’est de passer à l’action !
💻 Ressources côté pro 💻
Si vous voulez vous approprier le concept de permaculture appliqué au monde de l’entreprise, il existe l’école des permaentrepreneurs à Paris
Vous pouvez aussi découvrir le livre de Sylvain Breuzard, “La permaentreprise'“ aux éditions Eyrolles
🏡 Pistes d’actions côté perso 🏡
Si vous avez un petit bout de jardin et l’envie d’avoir un potager, je trouve qu’expérimenter la permaculture au jardin est une très bonne manière de s’approprier le concept. Voici un livre pour vous aider à vous y mettre : “Débuter son potager en permaculture, je passe à l’acte” Nelly Pons, éditions Actes Sud & Kaizen
Vous pouvez aussi partir à la découverte des écolieux autour de chez vous qui se sont inspirés de la permaculture. Le permacooltour à préparer une carte pour les identifier
Si vous avez d’autres pistes d’actions, n’hésitez pas à les partager en commentaires.
Et voilà, épisode terminé, rendez-vous jeudi prochain ! Bonne journée :)
Florence
Pour approfondir le sujet
Le MOOC gratuit du mouvement Colibris : Conception en permaculture
Les livres :
“Permaculture au quotidien” de Louise Browaeys, Terre Vivante (2018)
“Permaculture, guérir la terre, nourrir les hommes” Perrine et Charles Hervé-Gruyer, Actes Sud 2017
“Permaculture : principes et pistes d'actions pour un mode de vie soutenable” David Holmgren, Rue de l’échiquier (2017)
La collection “Résiliences” aux éditions Eugen Ulmer Eds