đ What a Wonderful World
#08 - Pourquoi ça vaut le coup de s'intéresser au vivant avec un grand V ?
Bonjour Ă tous đŠ
Comment allez-vous ?
Dans cette 8Ăšme Ă©dition, nous allons parler de lâintĂ©rĂȘt de descendre de notre piĂ©destal pour regarder de plus prĂȘt les autres colocataires de notre Ă©cosystĂšme vivant. Il se pourrait quâils aient des choses Ă nous apprendre pour nous aider dans la transition Ă©cologique.
Câest parti !
P.S. : Si vous rejoignez lâaventure aujourdâhui, je vous conseille de lire les Ă©pisodes dans lâordre. Ce sera plus facile Ă lire et câest comme cela que cette newsletter vous apportera le plus. Pour lire le premier Ă©pisode, câest par ici.
Intro
La semaine derniĂšre, nous avons parlĂ© ici de permaculture, et de lâintĂ©rĂȘt de sâallier avec le vivant. Et cela mâa donnĂ© envie de prolonger ces rĂ©flexions sur les possibilitĂ©s incroyables offertes par notre Ă©cosystĂšme.
La biodiversitĂ© est un sujet qui me passionne, mais ce nâest pas la seule raison. Câest aussi une maniĂšre de calmer mon Ă©co-anxiĂ©tĂ©.
Et il ne sâagit pas uniquement dâaller faire une balade sur la plage ou en forĂȘt.
Ce qui me rassure aussi, câest de savoir que nous avons une Ă©norme source dâinspiration Ă disposition pour apprendre et inventer un quotidien diffĂ©rent, et mĂȘme imaginer un avenir enthousiasmant.
Câest pourquoi cette semaine nous allons parler de biomimĂ©tisme, ou comment prendre le vivant pour modĂšle afin dâinnover et rĂ©soudre des problĂšmes sociaux, environnementaux et Ă©conomiques.
Et puis nous terminerons par une petite visite au pays de lâĂ©colonomie, un monde dans lequel lâentreprise sâallie et sâintĂšgre au vivant pour mieux le prĂ©server.
Une petite remarque en passant : jâessaie de ne plus utiliser le mot ânatureâ đ
, car ce terme positionne lâhumain dans une sphĂšre Ă part, et ça ne me va pas. Pour lâinstant, je le remplace par âvivantâ, mais si vous avez une meilleure alternative, je prends. đ
Câest quand mĂȘme fou de se dire que, dans certaines langues le mot nature est impossible Ă traduire, alors que dans la nĂŽtre, on ne voit pas comment sâen passer, non ?
1- Mise au point sur le biomimétisme ?
DĂ©finition
En France, on utilise le mot biomimĂ©tisme pour dĂ©signer toutes les disciplines qui sâinspirent du vivant.
Pourtant, nous avons plusieurs mots pour dĂ©finir des disciplines bien spĂ©cifiques. Ils font mĂȘme lâobjet dâune norme ISO.
La bio-inspiration a une signification assez large : câest une approche crĂ©ative basĂ©e sur lâobservation de systĂšme biologique.
La bionique est une discipline technique dont lâobjet est de reproduire, amĂ©liorer ou remplacer des fonctions biologiques par une solution Ă©lectronique ou mĂ©canique.
La biomimĂ©tique nĂ©cessite une coopĂ©ration interdisciplinaire de la biologie, de la technologie et dâautres domaines dâinnovation. Elle a pour but de rĂ©soudre des problĂšmes pratiques par le biais de lâanalyse fonctionnelle des systĂšmes biologiques, de leur abstraction en modĂšles ainsi que le transfert et lâapplication de ces modĂšles Ă la solution.
Câest par exemple ce qui a donnĂ© lieu Ă lâinvention du scratch (inspirĂ©e par les crochet du fruit de la bardane), des wingsuits (inspirĂ©s du polatouche) ou encore du Geckskin (un adhĂ©sif inspirĂ© par les geckos). Bref ce sont des innovations qui nâont pas forcĂ©ment de dimensions Ă©cologiques.
Le biomimĂ©tisme, la discipline qui nous intĂ©resse, Ă ne pas confondre avec la biomimĂ©tique donc. Câest Ă la fois une philosophie et des approches conceptuelles interdisciplinaires prenant pour modĂšle le vivant afin de relever les dĂ©fis Ă©cologiques (sociaux, environnementaux et Ă©conomiques).
Le biomimĂ©tisme sâappuie sur les principes du vivant (comment la vie crĂ©e des principes favorables au vivant). Voici la version proposĂ©e par Biomimicry 3.8 (Leader mondial du conseil en bio-inspiration) :
Ăvoluer pour survivre : Copier les stratĂ©gies qui fonctionnent - IntĂ©grer lâinattendu - RĂ©organiser les informations
Utiliser efficacement les ressources : Utiliser un design multifonctionnel - Utiliser des précédés économe en énergie - Recycler tous les matériaux - Adapter la forme à la fonction
Sâadapter aux changements de conditions : PrĂ©server lâĂ©quilibre par auto rĂ©gĂ©nĂ©ration - Renforcer la rĂ©silience par la variation, les duplications, la dĂ©centralisation - Inclure la diversitĂ©
Unir dĂ©veloppement et croissance : Combiner composant modulaire et emboĂźtĂ©s - Construire de la base vers le haut - Sâauto organiser
Ătre branchĂ© sur son milieu et rĂ©actif : Utiliser une Ă©nergie et des matĂ©riaux facilement accessibles - Cultiver les relations de coopĂ©ration - Investir dans les processus cycliques - Utiliser les boucles de rĂ©troaction
Utiliser une chimie respectueuse du vivant : Construire Ă bon escient en utilisant peu dâĂ©lĂ©ments - DĂ©composer les produits en Ă©lĂ©ments inoffensifs - Pratiquer la chimie dans lâeau
Un peu de culture générale en passant
Câest Janine M. Benyus, une scientifique amĂ©ricaine, qui a Ă©laborĂ© le concept du biomimĂ©tisme.
Elle lâa vulgarisĂ© au travers dâun livre publiĂ© en 1997 : âBiomimicry : Innovation Inspired by Natureâ.
Janine M. Benyus a également créé en 2006 le Biomimicry Institute qui a contribué à promouvoir le concept, tout comme le Biomimicry Europa, créé également en 2006.
En France, parmi les acteurs reconnus, nous avons le CEEBIOS : un centre dâĂ©tudes et dâexpertises dĂ©diĂ© au dĂ©ploiement du biomimĂ©tisme.
Leur raison dâĂȘtre est de âfaire du biomimĂ©tisme un levier majeur de la transition Ă©cologique et sociĂ©tale en catalysant lâĂ©mergence dâinnovations responsables bio-inspirĂ©es dans tous les secteursâ.
Cette discipline est assez récente mais surtout pleine de promesses, comme nous allons le voir dans la partie suivante.
2- Exemples de biomimétisme
Comme le rĂ©pĂštent souvent les acteurs du biomimĂ©tisme, le vivant, câest 3,8 milliards dâannĂ©es de test & learn pour arriver lĂ oĂč nous en sommes aujourdâhui.
Et il y a beaucoup de choses que nous avons encore du mal Ă faire (ou qui donnent lieux Ă de la surconsommation de ressources et dâĂ©nergie), et que le vivant maĂźtrise depuis longtemps.
Lâexemple des diatomĂ©es
Prenons lâexemple des diatomĂ©es : ce sont des phytoplanctons rĂ©pandus dans toutes les eaux du monde et qui existent depuis 200.000.000 ans environ.
Ces microalgues ont la particularitĂ© dâavoir une carapace (ou frustule) en verre, qui les protĂšge tout en laissant passer la lumiĂšre pour quâelles puissent se nourrir grĂące Ă la photosynthĂšse.
Elles produisent leurs cages de verre sans avoir besoin de porter Ă plus 1000°C un mĂ©lange de sable et de soude. Il leur faut simplement de lâeau pour fabriquer leur frustule Ă tempĂ©rature ambiante. Câest fou non ?
Lâeau contient naturellement de lâacide sicilique (Si(OH)4) qui se dĂ©compose en dioxyde de silicium (silice) et en eau. Et câest cette silice que les diatomĂ©es utilisent pour fabriquer leur frustule.
Au-delĂ dâavoir inspirĂ© la chimie douce et le procĂ©dĂ© sol-gel, cette dĂ©couverte sâest rĂ©vĂ©lĂ©e intĂ©ressante pour synthĂ©tiser des matĂ©riaux qui ne rĂ©sistent pas Ă la fusion et fabriquer ainsi des matĂ©riaux hybrides, mĂȘlant des composants organiques et inorganiques.
Et ce nâest pas tout, les diatomĂ©es sont Ă©galement dâexcellents capteurs de lumiĂšre. Des chercheurs sâen inspirent pour augmenter la captage de la lumiĂšre par les panneaux solaires.
Fini pour les diatomĂ©es, sortons maintenant notre tĂȘte de lâeau pour retrouver la terre ferme et partir faire un tour dans les zones dĂ©sertiques pour parler captation de lâeau.
Voyage en zone désertique
Lâeau douce devient une ressource de plus en plus rare. LâariditĂ© et les conditions extrĂȘmes ne sont pas (encore đ„”) notre quotidien, mais le sont pour les habitants des zones dĂ©sertiques.
Alors comment font-ils ? Car dans le dĂ©sert, aussi, les ĂȘtres vivants ont besoin dâeau pour vivre.
Le scarabĂ©e du dĂ©sert du Namib a une technique trĂšs efficace. Sa carapace est recouverte de pics qui lui permettent de capter lâhumiditĂ© dans lâair.
Quand le brouillard marin se forme, le scarabĂ©e du Namib incline son corps Ă 45° tĂȘte en bas. LâhumiditĂ© de lâair est captĂ©e par les petits pics du dos du scarabĂ©e et tombe petit Ă petit vers sa bouche.
Cette technique a inspirĂ© Dew Bank en 2010 pour crĂ©er une gourde inoxydable qui se remplit en captant lâeau du dĂ©sert.
Elle a aussi inspirĂ© la fabrication dâune peinture extĂ©rieure (technologie Dryonic) pour garder les murs secs et empĂȘcher le dĂ©veloppement dâalgues ou de mousse.
Et beaucoup dâautres applications pourraient ĂȘtre imaginĂ©e grĂące Ă ce tout petit scarabĂ©e.
Les animaux, les insectes, les plantes, recĂšlent dâingĂ©niositĂ© pour faire face aux conditions dans lesquelles ils vivent :
Le bec du toucan est un excellent climatiseur.
Les forĂȘts ont des qualitĂ©s de bouclier sismique.
Les ailes des papillons morphos sont autonettoyantes, antibactĂ©riennes, super hydrophobes et capable dâauto-rĂ©gulation thermique.
Des exemples comme ça, il y en a pour chaque ĂȘtre vivant, tous plus fascinant les uns que les autres !
Il existe aujourdâhui non seulement des entreprises qui sâinspirent du vivant pour proposer des solutions vertueuses, mais Ă©galement des entreprises qui vont un cran plus loin, en sâinspirant de la nature de maniĂšre encore plus vaste. Câest le cas de Pocheco, lâentreprise Ă lâorigine du concept de lâĂ©colonomie. Et ce sera lâobjet de la 3Ăšme partie de cet Ă©pisode.
3 - LâĂ©colonomie, quĂ©zako ?
LâĂ©colonomie, câest un concept imaginĂ© pour entreprendre sans dĂ©truire. Ce concept est nĂ© dans le Nord de la France, au travers de Pocheco, une entreprise qui fabrique des enveloppes.
En 1997, Emmanuel Druon reprend lâentreprise familiale. Avec son Ă©quipe, ils dĂ©cident que la clĂ© pour rendre leur entreprise pĂ©renne, câest de transformer leur activitĂ© pour prĂ©server le vivant.
Pour y arriver, la premiĂšre Ă©tape indispensable a donc Ă©tĂ© de changer dâĂ©tat dâesprit sur le rĂŽle dâune entreprise, et ce Ă quoi elle doit contribuer.
Pour aller dans ce sens, Emmanuel Druon sâest inspirĂ© du concept dâĂ©colonomie Ă©laborĂ© par Corinne Lepage pour Ă©tablir les 3 critĂšres auxquels il se rĂ©fĂšre pour prendre ses dĂ©cisions :
Amélioration des conditions de travail, et / ou réduction du risque sur les postes de travail et sur la santé des salarié.es.
AmĂ©lioration des impacts positifs sur lâenvironnement, et / ou rĂ©duction des impacts nĂ©gatifs.
AmĂ©lioration de la productivitĂ© et de la rentabilitĂ© de lâentreprise.
Lâobjectif de cette dĂ©marche est dâapporter de la valeur positive Ă lâentreprise sur 3 volets : environnemental, social et Ă©conomique.
Un petit exemple avec les toits de lâusine. Ils sont en partie :
végétalisés, pour accueillir la biodiversité.
puits de lumiĂšre pour limiter le recours Ă lâĂ©clairage artificiel
recouverts de panneaux solaires pour alimenter lâusine en Ă©lectricitĂ©
Et ces choix ont des bénéfices supplémentaires, car ils offrent une isolation phonique et thermique.
Source image - Pocheco vu de haut
Que ce soit dans le choix des matiĂšres premiĂšres, des processus de fabrication, de lâĂ©nergie, de la phytoremĂ©diation pour traiter les eaux usĂ©es, la gestion des dĂ©chets, lâisolation, la mobilitĂ©, ⊠tout est pensĂ© pour limiter lâutilisation des ressources naturelles et contribuer Ă la prĂ©servation du vivant tout en Ă©tant socialement positif.
Tous les moyens possibles pour avoir des impacts positifs sont mis en Ćuvre. Par exemple, Pocheco utilise son espace comme un refuge LPO et ils sont labellisĂ©s Oasis Nature. Sur leur site, on peut trouver toutes sortes de nichoirs, et de refuges pour la faune (grenouille, chauve-souris, insectes, âŠ).
Depuis 1997, Pocheco a non seulement transformĂ© son activitĂ©, mais aussi ouvert un centre de formation et un cabinet de conseil qui accompagne des industries, des architectes, des collectivitĂ©s,⊠sur le chemin de lâĂ©colonomie.
Jâai dĂ©couvert Pocheco il y a un peu plus de 10 ans et ce modĂšle me fait toujours autant rĂȘver.
Notre histoire, notre culture, et mĂȘme notre langue, nous amĂšnent Ă croire que les humains sont une catĂ©gorie de vivant Ă part voire supĂ©rieure. RĂ©sultat, on a crĂ©Ă© une sociĂ©tĂ© qui :
sâaffranchit complĂštement de la nĂ©cessitĂ© de contribuer Ă notre Ă©cosystĂšme vivant,
le détruit de plus en plus vite,
se donne le droit de décider qui a le droit de vivre en fonction de son utilité pour les humains.
On est tellement dĂ©connectĂ© de notre Ă©tat de vivant, quâil semble difficile aujourdâhui dâentreprendre sans dĂ©truire.
Pourtant, câest possible.
SâintĂ©resser Ă la haute technologie du vivant est une excellente source dâinspiration qui offre plein de perspectives et dâespoir. Des solutions vertueuses existent, nous en sommes entourĂ©s !
Câest aussi une invitation Ă nous Ă©merveiller de ce qui nous entoure, Ă se connecter Ă notre Ă©cosystĂšme pour enfin y contribuer.
Mes ressources préférées pour creuser le sujet
đ» Ressources cĂŽtĂ© pro đ»
Pour prendre un peu de recul sur nos modes de rĂ©flexions et sâinspirer pour des brainstormings par exemple, jâadore le site âAsk Natureâ. Si vous vous demandez comment le vivant rĂ©pondrait Ă une problĂ©matique, Ask Nature est le site parfait. Comment produire de la lumiĂšre sans Ă©lectricitĂ© ? Comment garder une surface propre ? Comment amĂ©liorer la vision nocturne ? Comment transporter lâeau de maniĂšre efficiente ? âŠ
Pour apprendre :
CEEBIOS a conçu une formation avec lâInstitut des Futurs Souhaitables pour explorer le potentiel du biomimĂ©tisme.
Pocheco propose des formations Ă lâĂ©colonomie ainsi que des confĂ©rences et des webinaires.
Bioxegy est un bureau dâĂ©tude expert en biomimĂ©tisme. Ils conçoivent et dĂ©veloppent des technologies inspirĂ©es de la nature.
Et pour finir, le cabinet Ouvert (issu de Pocheco), accompagne les entreprises qui veulent prendre le chemin de lâĂ©colonomie.
đĄ Ressources cĂŽtĂ© perso đĄ
Si vous ĂȘtes curieux, le site âAsk Natureâ devrait vous plaire aussi, câest un excellent moyen de dĂ©couvrir les stratĂ©gies du vivant.
CÎté livres, il y a :
âBiomimĂ©tismeâ de Janine M. Benyus, LâĂ©copoche (2022)
âLe vivant comme modĂšleâ de Gauthier Chapelle et MichĂšle Decoust, Albin Michel (2020)
âBiomimĂ©thiqueâ dâEmmanuel Delannoy, Rue de lâĂ©chiquier (2021)
âQuand Ă©cologie & Ă©conomie font cause communeâ Emmanuel Druon, Domaine du possible - Actes Sud (2023)
âLe grand livre du biomimĂ©tismeâ de Veronika Kapsali, Dunod (2017)
âLâArt dâimiter la natureâ AndrĂ©e Mathieu et Moana Lebel, MultiMondes (2015)
Et voilĂ , fin du voyage ! Avant de terminer, jâai une question pour vous : Y-a-t-il des sujets que vous voudriez que je traite en particulier ? Si câest le cas, nâhĂ©sitez pas Ă me le dire en commentaire.
Cela peut-ĂȘtre des sujets en lien avec ce qui vous dĂ©range, vous interroge, ou vous bloque dans la transition Ă©cologique.
Vous pouvez aussi me dire si vous préférez les sujets qui parlent de la transition écologique dans le monde pro ou dans le monde perso par exemple.
Bonne journée :)
Florence